Un roi du Midi balayé par le vent de l’histoire
Il fut un temps où l’on pensait l’aramon invincible. De Béziers à Alès, en passant par les versants du Saint-Chinianais, il couvrait près de la moitié du vignoble languedocien : d’après les chiffres de l’FranceAgriMer, il représentait au seuil des années 1950 près de 150 000 hectares en Languedoc-Roussillon. Sa vigueur, sa capacité à donner des rendements supérieurs à 200 hectolitres par hectare, et son aptitude à endurer les terres maigres en avaient fait le socle du “vin de soif” tant prisé dans la première partie du XX siècle.
Mais à la faveur du grand retournement des années 1970, le Midi se détourne brutalement de l’aramon : arrachages massifs subventionnés, dédain des marchés pour son vin léger, souvent jugé “pâle et acide” (selon l’ampélographe Pierre Galet), et montée en force des cépages dits “améliorateurs” (grenache, syrah, carignan…). Les terrasses autour de Vieussan n’y échappent pas : l’aramon devient le synonyme du passé pauvre, celui dont on ne veut plus parler.
L’aramon, cépage paysan
Pourtant, plus que d’autres, il fut le cépage du peuple : modeste, résistant à la sécheresse, peu exigeant. On le plantait dans les coins que le carignan ou le cinsault boudaient, pour remplir la barrique et donner du vin de table à la famille comme aux vendangeurs. À Vieussan, de nombreuses parcelles classées “Vignes anciennes” sur le cadastre contiennent encore, en bosquets presque secrets, des souches d’aramon quasi-centenaires.