1. Le relevage des murs : premier rempart contre l’oubli
Le mur de terrassement est la véritable colonne vertébrale des pentes viticoles de la Croix Ronde. Pierre à pierre, les murets sont inspectés chaque printemps. Chute de blocs, fissures, affaissements dus aux pluies hivernales sont réparés selon des gestes transmis de génération en génération :
- Nettoyage de la faune végétale : mousses, herbes et racines (ronces, liserons) sont extraites à la lame, leurs systèmes racinaires étant responsables de la déstabilisation progressive des pierres.
- Dégagement des pierres couchées ou descellées : on les retire soigneusement, on rafraîchit le lit de pose et on réemboîte à sec, selon l’art du “puzzle paysan”.
- Ajout de pierres neuves : lors des éboulements, c’est la récupération en haut des talus ou le ramassage dans les garrigues voisines qui permet d’éviter la déperdition de la structure.
Certaines familles du hameau de La Liquière évoquent encore ces concours de remise en état des murs, chaque printemps, où l’aisance d’un vigneron se mesurait à la droiture de ses murs (Syndicat St-Chinian).
2. Drainage et maîtrise de l’eau : l’intelligence du relief
Dans une région où l’averse peut se transformer en un torrent furieux, l’entretien des canaux latéraux et des rigoles de fuite est primordial. Entre les terrasses, de petites rigoles appelées “béi” ou “canalettes” sont régulièrement recreusées :
- Élimination des gravats et argiles accumulés durant l’hiver.
- Entretien des “pas d’âne”, marches de pierre permettant l’entretien à pied sec et la circulation du bétail.
- Contrôle visuel après chaque orage violent, en particulier sur la face Sud où les ruissellements sont les plus agressifs.
Une étude de l’INRA (2016) a montré qu’une terrasse mal entretenue perd jusqu’à 80% de son potentiel anti-érosif en à peine 10 ans d’abandon (source).
3. Taille, désherbage, amendements : le cycle des travaux de la vigne
À la Croix Ronde, la végétation reprend vite le dessus : la friche guette la moindre négligence. L’entretien des terrasses suppose donc un calendrier précis d’opérations…
- La taille de la vigne (décembre à mars). Travaux acrobatiques : ici, tout se fait à la main, sécateur et scie courte, où chaque souche s’incline pour rechercher la chaleur du soleil.
- Le piquage : arrachage des jeunes rejets et des plantes pionnières (cistes, genêts) en bordure de terrasse.
- Le “griffage” : passage de la griffe pour aérer la croûte superficielle du sol très vite compactée.
- Apports d’amendements : compost, fumier sec, parfois marc de raisin composté directement sur place, pour pallier la pauvreté chronique du sol.
- Pose de paillis de bois ou de cannes : limite l’évaporation, protège la microfaune et tempère l’effet fournaise du schiste en été.
Selon les recensements du Parc Naturel Régional du Haut-Languedoc, l’entretien d’un hectare de terrasses réclame entre 600 et 900 heures de travail manuel par an, soit entre deux et trois fois plus qu’une vigne en plaine (source).